TRAIL DES ALLOBROGES (9 juin 2019), 67km, 4600 m de D+ : UNE LUTTE SANS MERCI CONTRE LES ELEMENTS…
TRAIL DES ALLOBROGES (9 juin 2019), 67km, 4600 m de D+ : UNE LUTTE SANS MERCI CONTRE LES ELEMENTS…
Depuis février, je m’entraîne pour ce trail de montagne que je n’aurais pas eu idée de réaliser si Claude ne m’avait remis un dossard gratuit qu’il avait en sa possession.
Trail des z’amoureux en Belgique, Trail hivernal de la Moselotte dans les Vosges, Hard’Aisne Durby trail en Belgique, UTTL dans le Doubs … sont quelques courses inscrites dans mon plan d’entraînement. Comptent aussi et surtout les entraînements ciblés que je fais en semaine, profitant des jolis raidillons qui sont à ma porte, tout en maintenant la participation à quelques courses locales, juste pour le plaisir de partager avec les amis, notamment la Happy Team.
Quelques jours avant les Allobroges, je sens la tension monter, laquelle cèdera la place à une phase d’excitation pour un retour à un mega stress de veille de course.
Je m’arrange pour terminer le travail vendredi avant midi et avoir mon mardi libre en rattrapant toutes mes heures. Ma chef est compréhensive, bien que pas sportive du tout !
Vendredi 7 juin, 13H15 : départ pour Lyon, la route est tranquille, j’emprunte l’A39 me faisant un moment enjamber la Loue (souvenir souvenir !), je prends mon temps, m’arrête deux fois et arrive dans le village de mes tantes vers 18H45. J’ai à peine le temps de poser mes bagages et de soulager ma vessie que mes tantes m’entraînent au sens propre au parc du château où est inaugurée la 31ème édition de la Nuit du blues, un événement exceptionnellement festif à Sathonay – Village. Nous sommes momentanément importunés par la pluie, mais cette dernière se dissipera assez vite.
Une bière locale à la pression pour me réhydrater, une part de pizza et une part de frites suivies d’une crêpe caramel au beurre salé, et hop nous sommes prêtes pour danser au rythme des chansons interprétées par ce remarquable groupe local, Capricorne. J’ai peine à imaginer que le surlendemain je me trouverai dans la montagne.
Retour à la maison vers minuit pour une bonne nuit de sommeil. Réveil vers 8H alors que le soleil brille déjà généreusement. Petite balade avec le toutou pour dégourdir nos pattes.
Déjeuner sur la terrasse, puis préparation des affaires. Départ pour la Haute – Savoie, environ 2H15 de route. J’arrive alors à Bellevaux pour le retrait de mon dossard (numéro 75 comme mon année de naissance …) sous un soleil resplendissant avant de m’installer à l’Hôtel des Moineaux 1 km plus loin au lieu – dit des Borges. Accueil des plus chaleureux, l’équipe est aux petits soins des coureurs.
Repas vers 19H30, en compagnie d’autres coureurs, on me prépare un menu végétarien comme je l’avais demandé. C’est top ! Balade du soir le long de la rivière, les oreilles bercées par le murmure de la rivière et les cloches des vaches ; la nuit commençant à tomber, je rebrousse chemin en me disant qu’il faut économiser son énergie. Le ciel est dégagé. Pourvu que la météo se trompe !
Retour aux Borges
La nuit est courte mais singulièrement calme. Je me réveille toute seule vers 3H20. Je ressens bizarrement une petite douleur sur le tibia antérieur. Des fois c’est dans la tête, me dis – je furtivement. Un bon petit – déjeuner nous attend. L’expérience et l’inconnu quant aux conditions météo en montagne m’incitent à la plus grande prudence : j’enfile un ¾ pour le bas, et pour le haut je mets un manches longues spécial isolant pour la montagne. Je range dans mon sac un coupe – vent imperméable extra léger au cas où … puis les bâtons au cas où … L’organisation précise qu’on n’est pas à Saint – Tropez : à chacun d’être raisonnable et prévoyant. Je trouve que c’est mieux ainsi ; en effet, l’absence de vérification des sacs comme sur certaines courses est la meilleure façon de responsabiliser le coureur.
Je me dirige sans me presser vers le lieu de départ. Nous sommes environ 200 à prendre le départ des Allobroges dont 18 femmes. Mais qui sont les Allobroges, au juste ?
« Peuple gaulois, les Allobroges étaient des Celtes et parlaient originellement la langue celte dont le patois a gardé quelques mots. C’était un peuple de fiers et rudes guerriers, regroupant de nombreuses tribus, qui devinrent sédentaires et s’adonnèrent à l’agriculture. Le nom Allobroge viendrait des racines allo (autre) et brog (pays), soit le peuple venu d’autres pays. Courageux combattants, ces peuples celtes se seraient installés dans les Alpes du Nord au début du IIIe siècle av. J.-C.. Les Grecs les appelleront "Allobriges".
(Histoire du monde.net)
Bref, ce sera dur ! Nous serons les Allobroges ressuscités !
Briefing à 4H55 : le ciel est clément, les prévisions météo ne sont pas trop pessimistes, la pluie devrait tomber à partir de midi …
Les premiers partent comme des balles (j’ai rarement vu ça !), probablement pour éviter le premier bouchon formé sur la première côte. Je pars normalement, ne pensant à rien du tout si ce n’est à l’instant présent. La première côte nous fait avaler 1000 m de D+ sur un peu plus de 10 km ! Le soleil se lève, illuminant les cimes et mon regard ébloui. L’arrivée à Très – Le - Saix me fait pousser un soupir d’émerveillement face à la stupéfiante et infinie beauté qui se dévoile d’un coup.
Deuxième étape vers la 2ème grosse difficulté. La météo se dégrade, le vent assourdissant et violent se déchaîne, assisté de la pluie qui fouette les visages, figeant le mien de froid. Ma foulée devient instable, je suis littéralement à la merci des éléments, grain minuscule qui tente de se raccrocher à l’espoir d’une accalmie … C’est chose faite quand on bascule de l’autre côté du versant (Haute Pointe à environ 1900 mètres d’altitude), mais la pluie a déjà rendue glissantes les pierres. La descente est rude, raide, accidentée, glissante et impose une vigilance extrême et permanente. Je décide alors de serrer fort mes lacets de baskets afin d’immobiliser au maximum le pied. Erreur fatale … commise pourtant par une traileuse aguerrie … Si le petit point ressenti au lever occasionne sur les premiers kilomètres une simple gêne, la douleur apparaîtra une fois les lacets resserrés. Or, je parviens à mettre entre parenthèse la douleur, encore légère … j’adapte ma foulée et ma vitesse. Soudain la féminine qui me précède chute dans le pierrier. Elle finira par repartir après que des coureurs lui ont apporté soutien.
Deuxième ravito : la douleur s’est avivée, je montre mon pied à la secouriste qui constate que mon lacet est trop serré. Mais l’hématome est déjà formé. Application de gel Flector, magique l’effet ! Je repars comme en quarante … certes sur une cadence allégée pour me ménager et durer. Le prochain ravitaillement se situe 10 km plus loin, au 37ème km. J’y retrouve la coureuse, mais ne sait si elle abandonnait ou non. Ma douleur est stationnaire.
(montée du Calvaire)
Je repars, mais deux kilomètres plus loin sentant une augmentation de la douleur au tendon, je demande à un coureur au « combientième » on est. Il me répond « 39 ». Bref, chaque hectomètre est perçu comme un kilomètre … Je rattrape quelques coureurs du 36 (trail des Crêtes) mais me fais dépasser par des coureurs au dossard rouge. En montée ça va, mais en descente c’est le calvaire, surtout que le sol est devenu très glissant. Je commence à grelotter, mes pieds et mes mains sont gelés. Normal quand on court à bas régime. Je regarde de moins en moins le paysage …
Je pose le pied sur l’arête d’Hirmentaz, et aperçois enfin le 4ème ravito.
La descente est pénible, je tombe une fois dans la boue, je comprends que je dois déposer les armes car livrer bataille à la douleur persistante n’a aucun sens … Mes larmes pleines d’amertume se mêlent aux gouttes du ciel transparentes de vérité, celle face à laquelle je dois m’incliner. Les deux garçons du 4ème ravito (au 47ème km) parviendront à me faire pleurer … de rire. D’ailleurs, je trouve l’ensemble des bénévoles extrêmement chaleureux et gentil. Eux aussi doivent braver la pluie et le froid. Et toujours un sourire, un mot bienveillant à notre égard.
Willy me ramène à l’Hôtel, non sans faire étape devant chez lui pour récupérer ses deux loulous immobilisés à la maison depuis le matin. Nous palabrons le temps du trajet. Le trail, c’est ça aussi, de belles rencontres, parmi les coureurs, parmi les bénévoles, c’est éphémère, souvent furtif, mais toujours prégnant, surtout quand on partage les mêmes valeurs … et parfois les mêmes galères !
A froid la douleur s’intensifie. Une bonne douche très chaude m’attend puis un repas typiquement savoyard, la raclette. Je ne me sens pas fatiguée, ayant couru bien en – deçà de mes capacités, mais je reste positive et suis déjà déterminée à refaire ce magnifique trail de montagne pour découvrir les 20 km restants, si possible avec une météo favorable !
Retour à Lyon lundi matin, sous les orages. Je peux conduire mais marcher est un supplice. Repos absolu. Mardi ça va déjà mieux, retour dans le 57 en début de soirée, la tête pleine d’images somptueuses, et l’envie de refaire ce merveilleux trail intacte. Notre docteur préféré, Barbara, diagnostique à distance une ténosynovite du jambier antérieur, autrement dit une inflammation du tendon tibial. Froid, argile, compresses de Voltarene vont aider à la guérison, car de très belles courses m’attendent dans un avenir plus ou moins proche, n’est – ce pas ?
Bravo et merci aux organisateurs des trails de la vallée du Brevon. Merci tout plein aux amis qui m’ont encouragée et suivie en live, puis soutenue moralement. Merci évidemment aux tantes de Sathonay pour leur accueil !
2 photos sont de Marie Breva, 2 autres de Michaël Parent. Merci.
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